Gaijin Café #43 - "Il faut absolument ramener ce concept en France"
Qui, en se baladant ou vivant au Japon ne s'est pas dit un court instant "Ah s'il y avait des combinis en France, on serait bien quand même", "Si seulement les publicités en France étaient aussi folles qu'au Japon" ou encore "Je ne sais pas comment on vit sans kotatsu chez nous" ? Chez DozoDomo, on aime le Japon (au cas où vous ne l'auriez pas compris), et on aime aussi cette façon d'y vivre qui nous manque lorsque nous quittons le pays mais, est-ce qu'on pourrait réellement exporter toutes ces petites choses hors du Japon lors d'un retour ?
En parlant avec des amis des différences de styles de vie entre le Japon et la France, j'ai eu le malheur de glisser que nous n'y avions pas de combini, ces derniers étant tout de même des endroits bien pratiques. Horreur, stupeur dans les yeux de mes voisines de table : "Mais comment vous faites ?". Même après avoir tenté de leur expliquer qu'ayant toujours vécu dans un pays sans convenience store, on avait tout simplement une manière de vivre adaptée à l'inexistence des combinis en France. Impossible pour eux de comprendre comment on pouvait survivre dans ce monde apocalyptique et j'ai définitivement enterré quelconque désir de venir en France chez eux.
Pas de combini en France ? Non, et pour plusieurs raisons. La première est culturelle : pour une partie des Français, ouvrir un magasin d'alimentation 24 heures sur 24 ou tous les dimanches serait renier les grandes victoires du droit du travail. Surtout si c'est pour récolter un salaire de misère. Les salaires de combinis de nuit sont certes plus élevés mais restent très bas, entretenant un système dangereux de salariés jonglant entre deux ou trois emplois pour s'en sortir. Les prix également sont à la hauteur du service apporté : un magasin ouvert en permanence, qu'il pleuve, qu'il vente ou que l'on soit le jour de la fête du travail proposent des produits à des prix bien sûr plus élevés, qu'il faut être prêt à payer. Les combinis sont également servis par un réseau répandu sur tout le territoire et qui fait son succès : on se repose sur le fait qu'il y aura un combini quand on en aura besoin et qu'il sera ouvert (ce qui peut vous mettre dans des situations désagréables lorsque par exemple sur une île, vous n'en trouvez pas). Enfin, la sécurité au Japon permet de se rendre dans ce genre de magasins sans peur mais qu'en serait-il en France ? Les combinis font d'ailleurs de temps en temps les frais de braqueurs plus ou moins doués. Autant de raisons qui font que le concept de combini risquerait de ne pas fonctionner en France et refroidit de potentiels investisseurs pour le moment.
La sécurité au Japon, parlons-en. On aimerait avoir la même sensation lorsqu'on se balade dans la plupart des rues, de ne pas se poser la question de savoir si son sac est bien fermé ou pas, et tout simplement d'être moins sur ses gardes. C'est un état d'esprit lié intimement à la culture japonaise, même si l'environnement devenait plus sécuritaire et moins dangereux de manière globale en France, il faudrait néanmoins plusieurs générations pour que le comportement de tous s'adapte et qu'on en arrive au même état d'esprit. Et n'oublions pas que certains quartiers ne sont pas forcément conseillés, la tendance allant plutôt à l'opposé de cette image parfaite du Japon, on pense notamment aux recommandations de l'Ambassade des États-Unis au Japon concernant les soirées dans la capitale nippone. Ce contexte de sentiment de sécurité a aussi ses inconvénients en cela qu'il impose des limites beaucoup plus strictes : se faire sermonner par un policier parce que l'on traverse au rouge, marcher toujours dans les clous et respecter les règles à la lettre vont de pair et participe pleinement à l'installation de cette ambiance. Pas sûr que tout le monde soit prêt à accepter le côté pile et face de la pièce en même temps.
D'autres sujets plus légers tombent aussi dans ce spectre : les kotatsu, les fast-foods beaucoup plus variés, les packagings mignons ou encore les mascottes. Un environnement, une culture différente et des attentes différentes pourraient suffire à eux seuls à expliquer pourquoi tout ces concepts sont inapplicables en grande majorité.
Un kotatsu par exemple est une source concentrée de chaleur, et même si l'idée de rôtir doucement en travaillant est plaisante, elle le serait beaucoup moins dans une maison isolée comme en Europe où on a généralement pas froid. L'hiver enfin arrivé au Japon, je me réveille dans un appartement où il fait parfois six degrés, le kotatsu y revêt donc une importance vitale si je veux faire quelque chose de ma journée. Les fast-foods quant à eux sont au service de gens ultra-pressés qui en trois bouchées avalent leur bol de gyūdon avant de repartir, bien plus d'offres et une concurrence étouffante qui répondent à la demande permanente de portion nourrissante, peu chères dont on profite à peine. Le fast-food en tant que concept a eu du mal à s'implanter en France et reste dans sa définition pure et dure consommé en grande partie par les étudiants. Si de telles offres ne se développent pas en France, c'est aussi car nous aimons manger en prenant notre temps, en témoignent le développement impressionnant des hamburgers chics ou modernes dans l'hexagone. La kawaii attitude est une norme ici et même les adultes ont le droit d'assumer leur côté enfantin au grand jour. Aux dernières nouvelles, on était encore regardé de travers en France quand on assumait son sac Hello Kitty passé 15 ans, je n'imagine même pas sortir mon bento princesse Disney à la pause de midi. Des rues impeccables alors qu'il n'y a pas de poubelles dans les rues ? Les poubelles ont été retirées suite à des attentats, et n'ont pas été remises en place depuis. Le fait que les Japonais ne jettent pas de papiers par terre de manière générale est surtout liée au fait qu'ils ne mangent ni boivent en marchant par politesse.
À l'inverse, de nombreux concepts japonais s'appliquent très bien à l'étranger moyennant petits modifications au passage. Les instant noodles sont rentrées dans les mœurs au point d'être réinterprétés par des marques françaises, la gastronomie revisitée est de plus en plus populaire, le manga n'a plus ni son nom ni sa réputation à refaire malgré des débuts difficiles. Les cultures françaises et japonaises se croisent et s'emmêlent dans bien des milieux et à bien des égards, pas étonnant et souvent appréciables que certains concepts s'exportent beaucoup mieux que d'autres dans ce contexte. Le Japon invente chaque jour des objets, des concepts qui font rêver et donnent envie de reprendre sous le bras lorsque l'on rentre chez soi, mais ils restent tous intrinsèquement liés au Japon et à sa société. Il ne vous reste plus qu'à bien choisir les souvenirs à mettre dans votre valise.
Édito
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