Gaijin Café

Gaijin Café #44 - Les niveaux d'étrangers

dimanche 21 février 2016

On en a parlé plus d'une fois, être étranger au Japon c'est devoir afficher sa nationalité ou son origine comme carte de visite très souvent que l'on le veuille ou non. Lorsqu'on rencontre de nouvelles personnes, dans presque l'intégralité des cas, la question tombe comme un couperet, "Vous venez d'où ?". Elle peut agacer, amuser, rendre indifférent mais on l'entend. Souvent. Mais toutes les réponses ne seraient pas bonnes à dire, certaines nationalités font beaucoup mieux réagir que d'autres.

L’indissociable stéréotype

Ah la France, la mode, la baguette et le vin ! Que de gens classieux et distingués... en théorie. Et encore plus dans l'image que l'on porte au Japon. Combien de fois m'a-t-on dit que j'étais très bien habillée, toujours impeccable et classe (alors que franchement des fois, je ne le méritais même pas). Il y a sûrement un peu de politesse là-dedans mais demandez à vos amis japonais quelle idée ils se font des Français et de la France et vous aurez sans doute droit à ce genre de réponses. Il suffit de regarder les images d'illustrations, vidéos ou clichés publicitaires concernant la France pour se rendre compte que l'image de la France est très correcte (voire trop). Mais d'autres pays ont leurs petits stéréotypes : les grandes blondes Russes, les Américains bruyants et goguenards, les Chinois irrespectueux... On ne va pas se mentir, on le lit tous les jours. On ne va pas se mentir non plus là-dessus mais le dire, c'est du racisme. Le fait est que certaines personnes correspondent peut-être a ce stéréotype mais les clivages que créent ce genre de catégories sont bien trop cruels pour être appliqués à chaud.

La hiérarchie des nationalités

Si on veut s'amuser à croire aux stéréotypes, on pourrait en tirer un tableau des vainqueurs et perdants évidents. De fait il vaut mieux être Français que Chinois, ou Italien qu'Américain. En tout cas pour certains. Et malheureusement, toutes ces belles images entraînent évidemment une hiérarchie même inconsciente dans l'esprit des gens. Au delà de simples préjugés, les gens se font toute une idée de vous avant même de vous rencontrer ou de vous connaître et peuvent être incroyablement déçus si vous ne rentrez pas dans le moule. Il fût un temps où je n'appréciais pas le vin et je n'aime toujours pas le camembert. Déception, tristesse dans les yeux de mes interlocuteurs de l'époque. "Mais pourquoi ?" Et bien c'est comme ça et c'est pas plus mal.

La question qui peut fâcher

À vrai dire, cette question a toujours été à mes yeux quelque chose pour briser la glace ou lancer un sujet : "Tu viens d'où ?". On peut se la jouer japonaise en plaçant "oh j'y ai été une fois" ou plus curieux "je ne connais pas du tout". Mais une fois, juste une, j'ai cru qu'on allait me frapper parce que j'avais posé LA question.

Je suis de nature curieuse (d'où cette rubrique), si je pose la question c'est avant tout pour meubler, comprendre et pourquoi pas en apprendre plus sur une culture qui n'est pas la mienne. Un soir dans un gaijin bar, et son contexte particulier, je discute avec un autre étranger de la ville au comptoir. Même si je le vois souvent traîner, et que je lui ai déjà parlé, je m'aperçois que je ne sais pas d'où il est originaire alors naturellement je lui pose la question. Grand bien m'en a pris puisqu'il a commencé à me hurler dessus, en substance : que personne ne pouvait s'empêcher de faire ça, que c'était extrêmement dégradant et cruel, qu'on se faisait tout de suite une idée de qui était supérieur à qui. Alors non, enfin pas moi, mais après avoir tenté de débattre pendant plusieurs minutes sur qui avait raison j'ai fini par m'excuser pour éviter de m'en prendre une sur le coin de la figure (il y avait eu des précédents).

J'ai ravalé ma fierté, sauvé ma peau, et réfléchi un peu quand même. Je ne m'étais jamais fait la réflexion auparavant que cette culture que nous devons porter pouvait être un handicap, la nationalité de cette personne ne l'a pas rabaissée à mes yeux, loin de là, j'ai pu mettre un nom sur son accent jusqu'alors inconnu et rappelé un excellent voyage que j'avais fait dans son pays. Mais à travers son discours, il était évident qu'il ne vivait pas aussi bien que moi son origine géographique. Pour lui, même entre étrangers, dire sa nationalité ou son origine équivalait à se mettre d'emblée dans une chaîne alimentaire où certains étaient gagnants et d'autres grands perdants.

Au delà de la tristesse de la chose, j'ai fini par m'y faire. Puisqu'il y a des personnes pour juger les autres, je ferai désormais attention à ce que je demande à mes compagnons de soirées.

  • publié le dimanche 21 février 2016, 10:00 (JST)
    Dernière modification le jeudi 12 janvier 2023, 2:09 (JST)
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