Gaijin Café #17 - Le tourisme gastronomique, une spécialité toute japonaise
Si vous êtes déjà venus au Japon, vous ne l'avez sans doute pas loupé : chaque endroit du Japon possède sa spécialité culinaire. Peut-être (sûrement) a-t-il également une mascotte, une activité culturelle unique en son genre ou un festival qu'on ne trouve nulle part ailleurs au Japon. Mais il a son petit truc à manger qui est meilleur qu'ailleurs, c'est sûr.
Parlez tourisme à un japonais et il vous parlera nourriture ou boisson. Dites France, on vous répondra vin ou macarons, dites Fukuoka on vous parlera des Hakata Ramen, tentez Tokyo et on vous demandera si vous avez goûté des Tokyo Banana. Le Japon semble absolument indissociable de sa culture gastronomique. Beaucoup s'étonneront de la capacité des Japonais à avaler autant de nourriture sans pour autant prendre un gramme ou verront avec surprise des touristes japonais ramener de voyage à leurs amis, collègues et familles de petites boîtes de gâteaux par dizaines. D'autres se demanderont peut-être pourquoi aiment-ils tant manger ? À cette question, je n'ai pas de réponse et je n'ai jamais même réussi à en esquisser les contours.
En voyageant ou habitant au Japon, vous constaterez peut-être aussi à quel point les Japonais peuvent être fiers de leurs patrimoine culinaire (sauf peut-être Ibaraki et son nattô, mais c'est une autre histoire...). La tenancière d'un ryokan m'a, il y peu, offert des pommes de Nagano, en appuyant bien sur le fait qu'elles venaient de Nagano et que c'est pour ça qu'elles étaient bonnes, il paraissait impensable de mettre son jugement en doute mais quelquefois on aurait vraiment l'impression qu'on se moque de nous.
Intimement liée à cette culture du tourisme gastronomique, la tradition des omiyage est également indissociable du Japon. Ainsi, si vous partez en voyage d'affaire ou pour le plaisir, il paraît impensable de ne pas faire découvrir votre spécialité culinaire à de potentiels hôtes mais aussi de ramener la spécialité du coin à votre famille, vos amis et surtout vos collègues. Chaque semaine, le coin cuisine de mon lieu de travail voit arriver de nouvelles petites douceurs car un collègue est parti en week-end... privé. Et pourtant, il nous réserve cette délicate attention d'avoir acheté pour tout le monde (même si je n'ai jamais parlé à ce collègue) un petit truc à grignoter. Cette tradition pourrait presque sembler remplie d'hypocrisie pour certaines cultures où le cadeau forcé n'est plus vraiment un cadeau mais une obligation sociale. Dur dur pour nous de s'adapter à ce trait sans se sentir un peu poussé par la société japonaise et ses impératifs.
Nous avons aussi en France, nos petites manies dans le domaine : les mirabelles de Lorraine, les pommes de Normandie ou les melons de Charente sont connus comme étant une valeur sûre en partie grâce à un terrain propice et un climat adapté. Mais un coup d’œil à certaines spécialités japonaises vous fera froncer les sourcils. Perdues au milieu des spécialités des autres, on a parfois l'impression que certaines préfectures ont cherché une spécialité là où il n'y en avait pas pour un créer une de toutes pièces et ainsi développer son tourisme. Car oui, un endroit à visiter au Japon sans spécialité, et bien c'est étrange.
Je fais acte de pénitence aujourd'hui pour avouer que oui, moi aussi, je cherche quel est le plat ou le fruit à manger lorsque je sors de ma ville. Il est toujours agréable pour nos palais européens de découvrir encore plus de goûts du Japon et cette excuse du tourisme gastronomique est parfaite pour étendre ses connaissances en la matière. D'autant que la plupart du temps, goûter une spécialité en dehors de son fief relève d'une mission particulièrement compliquée. Ainsi même si les Hakata Ramen sus-cités sont répandus dans le Japon, je n'ai jamais vu un restaurant de Yuba (spécialité de Nikkô, de la "peau" de soja) au détour d'une rue.
L'exemple le plus flagrant de ce tourisme gastronomique si cher au Japon est la stratégie marketing de KitKat complétement moulée sur le marché japonais : à chaque région du Japon son KitKat, que vous ne pourrez acheter que sur place (ou au sous-sol de certains centres commerciaux si vous voulez faire croire à quelqu'un que vous n'étiez pas là où il le pensait). Les goûts sont évidemment mis en correspondance avec les régions concernées donnant des titres aussi étranges que KitKat Wasabi, KitKat Shichimi ou KitKat Zunda. Appétissant.
Cette folie gastronomique est étouffante. Elle dégouline jusqu'à la télévision où vous pourrez vous délecter de trois heures non-stop (sauf la publicité évidemment) d'émissions à la recherche du meilleur plat du Japon, de telle ville ou de telle région. Et surtout elle frise le ridicule, vous voyez-vous aller au château de Versailles et acheter un lait-caramel car c'est la spécialité de la ville ? Non ? Et bien rendez-vous à Nikkô pour acheter un lait à la banane, car c'en est la spécialité.
Édito
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