Ancienne idole et chanteuse. Actrice star des dramas et de la pub. Mariée à Hiro du groupe EXILE.
Rencontre avec Chie Inudoh, l'auteure de Reine d'Egypte chez Ki-oon
Chie Inudoh, auteure du manga Reine d’Égypte (Aoi Horus no Hitomi – Dansô no Joô no Monogatari) était l’invitée des éditions Ki-oon et de Livre Paris (ex Salon du Livre de Paris) en mars 2017. Nous avons eu la chance de la rencontrer.
Quand avez-vous commencé à dessiner et à quel moment avez-vous su que vous vouliez devenir mangaka ?
J'ai commencé vraiment toute petite, avant même d'entrer à l'école. Mon premier contact avec un manga, c'est par un cadeau d'anniversaire de mes parents. Quand je l'ai reçu, j'ai commencé à en imiter le dessin, et voilà...
Comment êtes-vous ensuite rentrée dans le milieu du manga ?
J'ai eu ma première chance à l'université. A l'époque, je dessinais des mangas pour moi-même, pour m'amuser, dans des magazines amateurs que l'on appelle des dōjinshi au Japon. Mon éditrice actuelle a vu mon travail et m'a proposé une rencontre. A l'époque, j'habitais en province mais je suis allée à Tokyo exprès pour la voir. Elle m'a proposé de m'installer à Tokyo pour commencer à publier du manga. J'ai dit oui tout de suite. Mon premier manga, ce fût donc Mikimotoke no Shokutaku, qui n'est pas publié en France. Le héros est un jeune patron d'entreprise qui veut absolument se marier avec une veuve, mais elle a trois grands enfants qui ne sont pas du tout d'accord avec ce remariage. L'histoire raconte comment il arrive à conquérir le cœur de ces enfants pour refaire sa vie avec la femme qu'il aime.
Comment est née l'idée de faire ce manga, Reine d'Egypte, et pourquoi avoir choisi ce personnage historique d’Hatchepsout en particulier ?
J'avais envie de faire une histoire avec un personnage féminin fort et en lien avec l'Histoire avec un grand H. Quand j'ai commencé mes recherches pour savoir à quel personnage m'atteler, je suis tombée sur Hatchepsout, qui est la première reine de l'histoire de l'humanité, et c'est ça qui m'a frappée.
De manière générale, vos œuvres ont toujours des héroïnes très fortes et non conventionnelles. Est-ce une ligne directrice chez vous ?
Ce n'était pas une volonté forte au départ, mais de façon naturelle je me sens plutôt attirée par des personnalités qui cherchent à vivre selon leurs propres idéaux, plutôt que selon ce que la société leur impose. C'est vrai pour les garçons et pour les filles, mais étant une femme moi-même, j'ai plutôt tendance à m'intéresser aux personnages féminins qui se rapprochent de ma propre vision idéale, qui sont des personnages qui vivent selon leurs envies, qui font ce qu’ils ont envie de faire.
Pourquoi avoir choisi Hatchepsout plutôt que Cléopâtre ?
La grande différence, c'est qu'à l'époque de Cléopâtre, l'Egypte était plutôt en position de faiblesse. Quand un Empire ou un pays se trouve en position de faiblesse, c'est moins rare de voir des femmes accéder à sa tête. Alors que pour Hatchepsout, c'était à l'époque où l'Empire égyptien était extrêmement fort et puissant, et donc c'était encore plus rare et peu naturel qu'une femme devienne reine à cette époque-là. C'est pour cela qu'Hatchepsout m'a paru plus intéressante que Cléopâtre.
Vous avez pris quelques libertés avec l'Histoire telle qu'on la connaît, notamment dans ses relations avec son père et son frère. Comment avez-vous défini ce que vous vouliez garder et ce que vous vouliez changer ?
L'important reste l'aspect divertissement de mon histoire, c'est pour ça que parfois je prends quelques libertés avec les diverses versions historiques de la vie d’Hatchepsout. Cela dit, il y a plusieurs hypothèses sur certains points de sa vie. Sur son frère, qui deviendra son mari, j'ai choisi d'en faire son grand frère et non son petit frère pour plusieurs raisons. Déjà, il existe une thèse à ce sujet, et aussi c'était plus intéressant au niveau des caractéristiques du personnage. J'avais envie de faire un personnage qui aurait vraiment l'air d'un roi. Pour cela, il me fallait un homme qui ait l'air fort, et cela permettait également de créer un vrai rival à mon héroïne pour montrer à quel point elle a dû lutter pour arriver à sa position.
Comment avez-vous défini les grandes lignes de votre scénario ? Avez-vous une ligne directrice définie et précise, ou créez-vous l’histoire au fur et à mesure ?
Les grandes étapes de la vie de mon héroïne sont de toute façon déjà définies par l'Histoire, donc je ne peux pas vraiment les changer. Par contre, c'est vrai que dans chaque chapitre, chaque cycle, je dois faire attention à ce que les lecteurs ne s'ennuient pas. Donc je définis à l'avance avec mon éditrice les grandes lignes de mon histoire, en premier lieu pour pouvoir coller à la réalité historique, mais aussi pour garder le caractère divertissant de mon œuvre.
Avez-vous utilisé une documentation particulière pour faire ce manga ?
En ce qui concerne l'architecture, la plupart des vestiges ne permet pas de se faire une idée correcte de la version originale des bâtiments, mais avec les techniques d'aujourd'hui, il y a des livres qui reproduisent en 3D les bâtiments de l'époque. J'utilise aussi pas mal de livres pour enfants, qui donnent des explications simples et claires sur la vie et les villes de l'Egypte ancienne. Pour ce qui est des vêtements ou des bijoux, j'utilise non seulement de la documentation sur ce qu'on sait de ce qui se faisait réellement à l'époque, et je mélange aussi avec des éléments actuels afin que mes lecteurs puissent trouver un aspect attirant à ce que portent mon héroïne et les autres héros de mon manga. J'utilise par exemple un livre qui s'appelle L’Histoire des vêtements de l'Europe, où l’on voit apparaître également des vêtements de l'Egypte, que je mélange à ma propre inspiration.
Votre trait minutieux est tout à fait dans la veine du magazine Harta dans lequel vous êtes prépubliée et dans lequel paraissent beaucoup de seinen d’inspiration historique comme le vôtre. Avez-vous adapté votre style à la ligne du magazine ou aviez-vous déjà ce trait ?
C'est vrai que quand on fait partie d'une équipe de mangakas pour créer un magazine, on voit naturellement ce que font les autres et on n'a pas envie d'avoir un style qui soit vu comme inférieur aux autres auteurs. En particulier dans le magazine Harta, on a Kaoru Mori (NDR : la mangaka de Brides stories) qui a un style extrêmement détaillé, et moi je voulais arriver à ce niveau. Mon style d'origine est moins détaillé, mais j'ai été influencée par les dessins et les traits des autres auteurs du magazine.
Avez-vous aussi été influencée par les auteurs dont vous avez été assistante ?
J'ai été assistante de Kôji Miyata (NDR : non publié en France) et de Kaoru Mori, qui sont deux auteurs du même magazine. Ils m'ont appris en particulier à faire très attention aux finitions parce que c'est leur style, et ils m'ont donné quelques techniques pour que le dessin ait l'air plus terminé, plus finalisé.
Sur votre blog, on peut voir des esquisses réalisées à la tablette graphique, mais comment travaillez-vous vos planches pour le manga, en numérique ou en analogique ?
Je dessine mon manga en analogique, mais avant de rentrer au magazine Harta, j'avais l'habitude de dessiner en digital. Donc, pour mon blog, j’ai gardé cette habitude de mettre des dessins réalisés sur ordinateur.
Combien de chapitres ou de volumes prévoyez-vous pour Reine d’Egypte ?
Aujourd'hui j'en suis à dessiner ce qui sera le début du volume 4. D'après moi, j’en suis un peu plus loin que le milieu de l'histoire. J'irai au moins jusqu'à 5 ou 6 volumes. J'ai déjà décidé des grandes étapes que je veux dessiner, et à peu près combien de chapitres je vais utiliser pour cela, mais après ce sera aussi en fonction des discussions avec mon éditrice : ce que j'ai décidé pour l’instant ne sera pas forcément ce qui sera dessiné au final.
Si les dieux de l’Egypte ancienne vous donnaient le pouvoir magique de voir dans l’esprit d’un autre artiste, vivant ou mort, dessinateur ou autre, afin de le comprendre, savoir ce qu’il pensait, pouvoir discuter avec lui ou bien apprendre des nouvelles techniques... qui choisiriez-vous et pour quelles raisons ?
C'est un artiste japonais qui est mort depuis longtemps, mais j'aimerais bien discuter avec Hokusai et en savoir plus sur ce qu'il ressentait quand il dessinait, ce qu'il avait envie de laisser comme héritage et ce qu'il avait vraiment envie de dessiner tout au fond de lui.
Et vous, donc, qu’avez-vous envie de laisser comme héritage ?
J’aimerais bien pouvoir laisser une image forte, qu’on sache que j’ai existé encore 20 ans, 30 ans plus tard. Et j’aimerais aussi que dans le futur on pense à moi comme à une personne qui a vraiment fait ce qu’elle voulait et peut servir de modèle.
Merci !
Merci aux éditions Ki-oon et plus particulièrement à Victoire de Montalivet pour l’organisation de la rencontre, à Kim Bedenne et Mai Ono pour la traduction.
Interview réalisée en partenariat avec Nicolas Demay (PlanèteBD).
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