Avant de faire des jeux vidéo dans les années 1970 et rencontrer le succès mondial qu'on lui connait, Nintendo a vendu pendant près d'un siècle des cartes à jouer, les hanafuda. Composé de 12 séries de 4 cartes florales représentant chacune l'un des douze mois de l'année, le jeu était très populaire durant le Sakoku, époque où le Japon était totalement isolé du reste du monde. Ces cartes peuvent être utilisées pour jouer à différents jeux comme Koi-Koi ou Poka.
Yves-Marie Le Bourdonnec, un croc dans le bœuf japonais
Yves-Marie Le Bourdonnec est l'un des rares Français a avoir pu s'introduire dans le monde très fermé des artisans bouchers japonais. Sous la coupe des hommes du sixième Yamaguchi-gumi, la plus grande "famille" Yakuza de l'archipel japonais, les « métiers du sang » sont inaccessibles au commun des mortels. Qu’à cela ne tienne, Yves-Marie Le Bourdonnec, connu comme professionnel de la viande dite « maturée », procédé consistant à faire vieillir la chair pour la rendre plus goûteuse, ne lâche rien.
Paysan et bourgeois, militant engagé et chef d’entreprise, Yves-Marie Le Bourdonnec affiche depuis toujours une détermination sans faille qui lui permet aujourd'hui de se retrouver à la tête de plusieurs boucheries dans les quartiers chics de la capitale. Depuis 2014, l'homme a aussi ouvert une école destinée à former des « bouchers entrepreneurs ». Le Japon est présent jusque dans le nom de ce centre : Mottainai, une expression exprimant le dégout et le regret face au gaspillage. Yves-Marie Le Bourdonnec n’en reste pas moins chauvin. « Le Japon possède de nombreux atouts, une précision et un minimalisme inimitable mais en France, nous avons aussi beaucoup de qualités ! »
Yves-Marie Le Bourdonnec s’envole pour la première fois vers le Japon il y a déjà six ans. Son défi ? Créer avec d’autres artisans, des chocolatiers et des boulangers, des accords viandes/whiskys pour les whiskys Nikka. De ce partenariat naitra deux plats : un train de côtes maturé au whisky et un gigot piqué à l’alcool ambré. Mais cette première mise en bouche avec le pays du Soleil-Levant lui laisse un gout d’inachevé. « J'avais tenté de rencontrer des confrères bouchers. C’est durant ce voyage que je me suis aperçu que le monde de la viande au Japon était très fermé », confie-t-il.
Les artisans de la viande japonaise, une « caste » particulièrement difficile à approcher
C’est en 2013 qu'Yves-Marie Le Bourdonnec croise celui qui deviendra son ami et « parrain », Yoshinobu Niiho dit « Niiho San », un boucher originaire de Kyoto. C'est ce dernier qui se chargera de faire accepter le Français à ses confrères japonais. « Quand vous allez à Tokyo, vous avez le droit de visiter la salle de découpe, l’endroit où l’on entrepose les carcasses mais pas d’assister à la mise à mort. Seuls les hommes du clan Yakuza abattent les bêtes. Et ces derniers ne préfèrent pas être vus », explique Yves-Marie Le Bourdonnec.
Historiquement exercés par les Burakamin, une communauté de personnes discriminées socialement et économiquement dans la société médiévale japonaise, les métiers « impurs » comme ceux de la viande ou de la mort sont encore largement réservés aux membres du sixième Yamaguchi-gumi, le plus grand clan Yakuza du Japon. « Niiho San » parvient pourtant à inviter Yves-Marie Le Bourdonnec à une mise à mort. « Ces hommes de l’ombre m’ont accueillis dans le silence. C’était très spécial. Il y a un respect infini pour l’animal. On l’accompagne vers la mort. Il ne se débat pas, il n’est pas stressé. Tout se fait dans le calme et la sérénité ».
Le « Boeuf de Kobé », une viande de luxe objet de tous les fantasmes
« La viande de Kobé, cela ne veut rien dire, parlons plutôt de Wagyu ! », continue le boucher. « Tous les fantasmes véhiculés autour de l’élevage de ces bêtes est ridicule. Non, elles ne sont pas massées à la bière et non, elles n’écoutent pas de musique classique », poursuit-il. À savoir si cette viande est vraiment de qualité, Yves-Marie Le Bourdonnec ne mâche pas ses mots : « il faudrait d’abord définir ce qu’est une viande de qualité. Ce que je peux vous dire c’est que la viande wagyu, au même titre que toutes les viandes persillées, provient de bêtes dont la constitution a été modifiée. Le wagyu c’est un animal malade, comme les oies qui donnent le foie gras en France ! »
Les conditions d'élevages des animaux ne sont pas non plus forcément optimales, contrairement aux idées reçues. L'urbanisation a depuis longtemps colonisée les meilleures terres agricoles de l'archipel. Impossible donc pour les éleveurs de faire paitre leurs bêtes sur des hectares de prairies. « Ne nous faisons pas d’illusions, 70% des Wagyus sont nourris au soja OGM américain ! », explique Yves-Marie Le Bourdonnec. Ce qui ne l'empêche pas de défendre son bifteck. « Alors oui, je vends du wagyu qui vient d’un excellent élevage espagnol mais ce n’est pas ma viande favorite. En revanche, les joueurs du PSG en raffolent, car c'est la plus chère… »
Des apprentis bouchers japonais à Paris
Dégustée comme un condiment, et donc en très petites quantités, la viande rouge reste un met nouveau dans l’alimentation nippone. Introduite il y a seulement 138 ans dans la routine culinaire des Japonais grâce à la création du Sukiyaki (fameuse fondue japonaise) par l’Empereur Meiji, le boeuf était auparavant un animal qui aidait au travail des champs.
« Ce que j’aime chez les Japonais ? Leur minimalisme. Quand nous avons une approche chirurgicale, eux ont une approche géométrique. Ils sont dans le détail de la découpe. La viande vaut tellement chère qu’il n’y a pas de gaspillage, une philosophie qui m'intéresse beaucoup », affirme le boucher.
Vraisemblablement, la France et le Japon ont encore beaucoup à s’apprendre. C'est pour cette raison que Kohei, un apprenti japonais originaire de Kyoto, a rejoint depuis quelques semaines la boucherie d'Yves-Marie Le Bourdonnec afin d'étudier l'art français de la viande. A Paris depuis quelques semaines, il répète avec minutie les gestes qu'on lui enseigne. De l'autre côté du globe, un apprenti français est à Kyoto aux côté de « Niiho San », afin de découvrir les techniques japonaises.
« Ouvrir une boucherie à Kyoto »
Aujourd'hui, c'est donc tout naturellement qu'Yves-Marie Le Bourdonnec se tourne vers le Japon. Son dernier projet ? Travailler main dans la main avec « Niiho San » pour ensemble développer un élevage de qualité. Et pourquoi pas ouvrir une boucherie dans l'archipel, à Kyoto, dans l'ancienne capitale impériale, où la majorité de la viande est toujours vendue en grande surface. Un projet qui, n'en doutons pas, devrait faire du bruit.
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