Vie de France : le nom de cette chaîne de boulangerie est un bel exemple de “franponais”, ces emprunts au français en langue japonaise, pour faire plus élégant. Avec parfois quelques ratés : il y a par exemple des magasins de cosmétiques “Musée de peau” à Yokohama, et des restaurants nippons nommés “Belle Touffe”. Sacrés Japonais !
Critique: "Les dix amours de Nishino", de Hiromi Kawakami
Les Dix amours de Nishino raconte un homme par le regard de ses ex-petites amies. Le postulat de base peut amener à un cynique "oui, enfin, les ex...." mais Kawakami ne nous emmène pas sur cette pente houleuse. Sans tomber dans les écueils d'un tel postulat, elle utilise son style particulier d'une histoire par chapitre, en gardant un fil conducteur, tel que dans "Le temps qui va, le temps qui vient".
On fait connaissance avec lui par les yeux d'une femme adultère et de la petite fille de celle-ci, et principalement de ses blessures profondes. Puis, on repart au début : rembobinage de film, Nishino a quatorze ans, une grande sœur malade, et une camarade de classe solitaire à qui il volera un baiser. Puis, Manami nous raconte que c'est un homme sauvage, étrange, fascinant... Femme qui se destine à sa carrière, elle ne montre rien de ses sentiments, mais lui les verra... La quatrième, Kanoko, raconte les balades à la mer qu'elle aimait partager avec lui... Mais toujours, notre Nishino est laissé seul, inéluctablement.
Il se sent artificiel, créé de toutes pièces, inexistant, et pourtant, il marque chacune des femmes qu'il aura croisées, plus ou moins profondément, selon les âges, l'implication dans la relation... Car l'âge n'a que peu d'importance, c'est bien le cœur et l'âme qui restent, flottants, dans un cocon de désespoir morbide. Nishino semble errer en vain, dans une vie aussi chaotique amoureusement qu'elle est professionnellement stable. Il semble être fragmenté, une sorte de puzzle dont la forme reste incertaine, et pourtant immuable, et ses relations amoureuses semblent des tissages lâches, aux lisières floues.
Il n'est pas sans rappeler L'Homme qui aimait les femmes de François Truffaut. Ce roman a fait l'objet d'un film éponyme en 2014, dont voici le trailer :
Kawakami Hiromi, auteur depuis 1994, est devenue l'un des écrivains les plus célèbres du Japon et titulaire de nombreux prix littéraires, malheureusement encore peu traduite. Elle est notamment l'auteur de l'excellent "Les Années douces", que l'on connait surtout sous la plume de Taniguchi Jiro. Avec "Les Dis amours de Nishino", elle réussit encore une fois, sans lasser, un récit sur son thème favori, celui de l'absence et de la disparition. Si vous aimez Murakami Haruki et Ogawa Yoko, il est aisé de parier que vous saurez apprécier "Les Dix amours de Nishino".
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Qui était Nishino, cet homme insouciant et farouche comme un chat, et qui comme lui s'immisçait avec naturel dans la vie des femmes dont il faisait battre le coeur trop fort ? Dix voix de femmes composent ce roman dont un homme est le centre de gravité et dont l'existence nous est progressivement révélée par celles qui l'ont tant aimé aux différentes époques de sa vie. Chacune d'elles à son tour prend la parole : elles tissent un à un les fils séparés d'une existence qui se rejoignent pour dessiner en creux le visage d'un homme plein de charme et de mystère, nonchalant, touchant, insaisissable. Et en faisant son portrait c'est elles-mêmes finalement qu'elles révèlent. Dix variations tissées de poésie, de mélancolie, de drôlerie, pour tenter de comprendre cet étrange sentiment que l'on nomme l'amour.
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