Cinéma

My Sunshine, d'Hiroshi Okuyama : Douce mélancolie d'un hiver sur la glace d'Hokkaido

Si la neige finit par fondre et la glace par se briser, les souvenirs marquants de la jeunesse, eux, demeurent impérissables.
vendredi 20 décembre 2024
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Sur l'île septentrionale d'Hokkaido, loin de l'agitation frénétique des grandes villes, les premiers flocons tourbillonnants annoncent le changement de saison. Les jeunes délaissent les terrains de baseball pour la patinoire, troquant l'herbe verte pour la surface glacée et miroitante. Parmi eux, Takuya (Keitatsu Koshiyama), un garçon timide en proie à un léger trouble de l'élocution, que la danse des cristaux de neige fascine plus que les exploits sportifs. Membre sans enthousiasme de l'équipe de hockey sur glace, son regard est irrésistiblement attiré par la grâce aérienne de Sakura (Kiara Nakanishi), exécutant des pirouettes avec une aisance remarquable.

Entre en scène Arakawa (Sôsuke Ikematsu), l’entraîneur de Sakura, un ancien champion de patinage qui a troqué la gloire pour une vie paisible dans ce coin reculé du Japon. Intrigué par Takuya, il décèle en lui un potentiel insoupçonné et lui propose de s'initier à la danse sur glace. Commence alors une aventure humaine et sportive menant ce trio singulier à s'engager sur la voie d'une compétition de patinage artistique qui va bouleverser leur existence.

L'alchimie opère entre les deux enfants, qui découvrent rapidement une complicité naturelle sur la glace. La question de savoir si Takuya et Sakura brilleront importe finalement moins que l'exploration de leurs doutes et de leurs désirs encore flous.

Hiroshi Okuyama filme cette valse des sentiments avec une grande délicatesse. Sa caméra, qu'il manie lui-même en tant que directeur de la photographie, se fait aussi fluide et gracieuse que les mouvements des patineurs. Chaque plan est composé avec un soin extrême, transformant les paysages enneigés d'Hokkaido en tableaux d'une beauté saisissante. Des montagnes saupoudrées de blanc aux rues paisibles bordées de congères, en passant par la patinoire baignée d'une lumière irréelle, le film offre un véritable enchantement visuel.

La légende tenace des mille mots inuits pour dire la neige, bien que simple fable, a peut-être soufflé à Okuyama la palette singulière de ses paysages d'hiver. Il décline une gamme de pastels d'une richesse et d'une finesse inouïes. Telles les variations infinies d'un flocon, ces nuances, allant du rose ingénu au mauve rêveur en passant par des bleus ciels à peine présents, se transforment sans cesse, tissant une toile chatoyante d'une beauté hypnotique.

Cette esthétique vaporeuse et indéniablement captivante, qui n'est pas sans rappeler celle d'Hirokazu Kore-eda, maître du cinéma japonais contemporain avec qui Hiroshi Okuyama a collaboré, sert à merveille l'atmosphère mélancolique du film. On se laisse bercer par la douceur des images, par le rythme lent et contemplatif du récit et par la musique éthérée de Ryosei Sato (du duo folk Humbert Humbert - C'est en écoutant en boucle la chanson "Boku no Ohisama" du groupe japonais Humbert Humbert que Hiroshi Okuyama a non seulement trouvé le titre anglais de son film, mais aussi l'inspiration nécessaire à l'écriture du scénario original).

Mais sous l’apparente quiétude d'un récit initiatique généreusement émotionnel se cachent des dynamiques plus sombres, révélées par des regards furtifs et des accords tacites. Hiroshi Okuyama dépeint ses personnages avec la même exigence esthétique qu'il applique à ses paysages.

Le film aborde également avec subtilité la question de l'identité et du conformisme social. Le désir de Takuya de s'investir dans un sport majoritairement féminin n'est pas anodin, tout comme le passé d'Arakawa, qui a choisi de se retirer du monde compétitif du patinage. Le réalisateur, officiant également comme directeur de la photographie, compose un tableau mélancolique, où les ambitions déçues et les relations étouffantes se dessinent dans un format d'image soigneusement cadré. Le cinéaste tisse ainsi un univers tactile empreint de nostalgie et de regrets, où le non-dit pèse plus lourd que les mots.

La direction d'acteurs d'Hiroshi Okuyama est d'une précision remarquable, tirant le meilleur de chacun. Sôsuke Ikematsu (Rendez-vous à Tokyo) est particulièrement juste et nuancé dans son rôle de mentor, incarnant avec retenue et bienveillance cet ancien champion au passé mystérieux et aux blessures enfouies qu'on devine sans jamais les voir explicitement. Aux côtés de leur aîné, Keitatsu Koshiyama et Kiara Nakanishi brillent par leur naturel désarmant. Malgré leur jeune âge et leur filmographie encore modeste, ils livrent une solide performance, parvenant à transmettre avec justesse les tourments intérieurs de leurs personnages, ces enfants qui observent le monde des adultes avec un mélange de fascination et d'appréhension.

Nostalgie douce-amère de l'enfance

L'une des grandes forces de "My Sunshine" : sa capacité à explorer des thèmes universels sans jamais céder aux sirènes du mélodrame ni à la tentation de la démonstration facile. L'amitié, l'amour, la jalousie, la quête de soi, le poids des regrets... Tous ces sentiments sont évoqués avec une pudeur et une justesse remarquable, à travers les regards, les gestes, les silences.

Le film dégage par moments une quiétude si sereine qu'il s'apparente à une peinture d'ambiance presque onirique, nostalgie douce-amère d’un souvenir d'enfance. Et avant même que nous ayons le temps de comprendre ce qui se passe, les fissures entre Sakura, Takuya et Arakawa s'élargissent, se transformant en gouffres infranchissables.

La narration discrète, qui explore les nuances de ce trio avec une délicatesse croissante, saura résonner auprès de tous les publics, qu'ils voient le verre à moitié plein ou à moitié vide. Cela dit, j’aurais aimé qu'Hiroshi Okuyama nous offre un dernier bonbon et laisse à Takuya un souffle supplémentaire, une toute petite seconde de plus avant de couper.

  • publié le vendredi 20 décembre 2024, 16:00 (JST)
    Dernière modification le samedi 21 décembre 2024, 3:05 (JST)
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  • CatégorieCinéma
    Photo(s)/image(s)Art House Films
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