Premier des trois unificateurs du Japon pendant la période Sengoku. Il est élu personnalité historique la plus importante du Japon lors d'une émission de TV diffusé sur Nippon Television.
Mode Japonaise, de Clémence Leleu : Odyssée sensorielle et sociale au cœur du tissu nippon
Paris, Milan, New York, Londres... et Tokyo. Si la capitale japonaise a su s'imposer comme un pilier incontournable sur l'échiquier mondial du style, elle le doit à une singularité bien précise. Au Japon, la mode dépasse le simple statut d'industrie vestimentaire ou de tendance saisonnière : elle est une facette culturelle à part entière, un miroir social qui fascine l'Occident.
Pourtant, quand on tente de la définir, deux images contradictoires nous viennent souvent en tête. D'un côté, la rigueur immuable du kimono, symbole d'une tradition millénaire figée dans la soie. De l'autre, l'exubérance chromatique des rues de Harajuku, où la jeunesse semble défier toutes les lois du bon goût. Mais entre ces deux extrêmes, il existe un monde, une histoire et surtout une philosophie que le livre "Mode Japonaise" s'attache à décrypter.
Publié aux éditions E/P/A, l'ouvrage est signé Clémence Leleu. Une plume que les amateurs de culture nippone connaissent bien, puisqu'elle collabore régulièrement avec des médias de référence comme Pen Magazine ou Tempura. Forte de cette expertise, elle nous livre ici bien plus qu'une encyclopédie : une clé de lecture sociologique de l'archipel.
L'intelligence de la main : quand l'artisanat devient art
L'une des grandes forces de l'ouvrage est de nous rappeler que la modernité japonaise plonge ses racines dans un savoir-faire ancestral. L'autrice ne se contente pas de montrer le résultat, elle remonte le fil jusqu'au geste de l'artisan.
Le livre met en lumière ces "Trésors nationaux vivants" (Ningen Kokuho), ces hommes et femmes qui consacrent leur vie à la perfection d'une technique. On y découvre la fascination pour l'indigo (Aizome), cette couleur profonde qui semble contenir l'âme du Japon rural, ou encore l'incroyable épopée du denim. C'est l'un des passages les plus captivants : comment le Japon, fasciné par l'Amérique d'après-guerre et ses G.I., s'est approprié le jeans pour finalement le sublimer. Aujourd'hui, le denim d'Okayama, tissé sur de vieux métiers à navette Toyoda et teint à l'indigo naturel, est considéré comme le meilleur au monde. Ce chapitre illustre à lui seul le génie japonais : l'art d'absorber une influence extérieure pour la restituer avec une qualité technique obsessionnelle.
Le choc de 1981 : la déconstruction comme esthétique
Impossible de parler de mode japonaise sans évoquer le séisme des années 80. Le livre retrace avec justesse ce moment charnière où Rei Kawakubo (Comme des Garçons) et Yohji Yamamoto ont débarqué à Paris pour, littéralement, dynamiter les codes de la haute couture.
À une époque où la mode occidentale célébrait le corps moulé et le glamour doré, les Japonais ont imposé le noir, l'asymétrie, les trous, et l'imperfection. La presse de l'époque, désemparée, parlait de "Hiroshima chic". Clémence Leleu explique magnifiquement comment ces créateurs n'ont pas cherché à embellir le corps, mais à repenser l'architecture même du vêtement. Ils ont introduit le concept de Ma (l'espace vide) entre la peau et l’étoffe. En tournant les pages, on comprend que ces créateurs ne sont pas de simples stylistes, mais des philosophes du tissu qui ont forcé l'Occident à remettre en question sa propre définition du beau.
La rue comme espace de résistance
Mais la mode japonaise ne se joue pas que sur les podiums parisiens. Elle se vit, et parfois se subit, dans la rue. La troisième partie de l'ouvrage offre une plongée sociologique fascinante dans les tribus urbaines.
Loin d'être de simples déguisements pour touristes, les styles de rue sont présentés ici comme des uniformes de résistance. Dans une société japonaise qui valorise l'harmonie du groupe (Wa) et l'uniformité (du costume des écoliers au costume sombre des salarymen), le vêtement excentrique devient le seul exutoire possible pour l'individualité.
Le livre analyse avec finesse le phénomène des Bosozoku, ces gangs de motards aux tenues inspirées des kamikazes, brodées de slogans nationalistes, ou encore les Lolitas. L'autrice souligne que derrière les dentelles et l'apparence de poupée de ces dernières, il y a une forme de rébellion féministe : un refus de grandir, de devenir une épouse modèle et d'entrer dans le moule social étouffant réservé aux femmes adultes. Le vêtement devenant alors une armure.
Objet de collection
Au-delà du fond, d'une richesse indéniable grâce au regard expert de Clémence Leleu, il faut s'attarder sur la forme. Car "Mode Japonaise" appartient résolument à la catégorie des "beaux livres". La direction artistique de l'ouvrage est soignée (confiée à Clotilde Roussin), faisant la part belle à une iconographie variée : estampes d'époque, photographies de défilés iconiques, et clichés de street style tirés du légendaire magazine FRUiTS.
La qualité du papier, la mise en page aérée, la couverture discrète et élégante en font un objet qui dépasse sa fonction première de lecture. C'est un livre qui possède une présence.
Cet ouvrage est une réussite pour qui s'intéresse au Japon. Il ravira autant l'historien amateur que le passionné de design. Mais c'est aussi, et c'est un argument de poids, une magnifique pièce de bibliothèque. Mieux encore : c’est typiquement le genre de livre qu’on ne range pas tout de suite. C'est un ouvrage à laisser traîner négligemment, mais bien en évidence, sur la table basse du salon. Il attire l'œil, invite à être feuilleté au hasard, et lance des conversations. Une pièce maîtresse, aussi belle à regarder qu'instructive à lire.





-

La mode japonaise ne se contente pas d'habiller, elle raconte. Elle chuchote ce que la société tait. Le vêtement devient language.
De Kenzo à Rei Kawakubo, de Yohji Yamamoto à Chitose Abe, les grandes figures de la mode japonaise ont profondément marqué la scène internationale. Mais derrière les projecteurs et les podiums, le Japon tisse aussi une autre histoire du vêtement : discrète, artisanale, ancrée dans le quotidien.
Ce panorama sensible et complet explore l’art du denim selvedge, les teintes profondes de l’indigo, les motifs hérités des siècles passés, mais aussi les uniformes scolaires, les habits de la rébellion adolescente, les costumes stricts des salarymen... Il révèle également comment la mode japonaise, avec son esthétique singulière, a inspiré la création européenne et conquis les marchés occidentaux. Enfin, il ouvre une porte sur les liens qu’entretient la mode avec la culture, des kimonos et des estampes aux costumes du théâtre Nô en passant par les silhouettes des films d’Ozu.
- Éditeur : E/P/A
- Date de publication : 29 octobre 2025
- Édition : Illustrated
- Langue : Français
- Nombre de pages de l'édition imprimée : 240 pages
- ISBN-10 : 2376717396
- ISBN-13 : 978-2376717393
- Poids de l'article : 505 g
- Dimensions : 21.6 x 2.9 x 29 cm

Participez
Ajoutez-en un pour lancer la conversation.
Connexion
Inscription