Ce personnage en forme de poire a été élu mascotte locale préférée des Japonais en 2013. C'est une des rares mascottes à parler. Elle est connue pour sauter dans tous les sens.
"Hasekura – Journal d’un samouraï au Vatican", de Lionel Crooson : critique du voyage impossible de Hasekura Tsunenaga
1613. Alors que le Japon s'apprête à fermer ses portes pour deux siècles, un navire quitte le port de Tsuki-no-ura. À son bord, Hasekura Rokuemon Tsunenaga, un samouraï chargé d'une mission insensée : traverser deux océans pour rencontrer le roi d'Espagne Philippe III à Madrid et le pape Paul V à Rome. Dans Hasekura – Journal d’un samouraï au Vatican, Lionel Crooson nous offre le "vingtième volume" perdu de cette épopée, transformant une note de bas de page diplomatique en une fresque humaine bouleversante.
L'ombre de la Grande Vague
Le roman s'ouvre sur une résonance glaçante avec notre époque contemporaine. Tout commence par une catastrophe : le grand tsunami du 2 décembre 1611. Lionel Crooson décrit avec une puissance visuelle le "Dragon Ryū" venu du large, cette vague gigantesque qui dévore les côtes du Sanriku.
C'est sur ces ruines que naît le projet fou du puissant daimyo Daté Masamuné. Pour reconstruire son fief dévasté et, en secret, défier l'hégémonie des Tokugawa, il lance cette ambassade commerciale et religieuse vers l'Occident. Hasekura, notre héros, n'est pas qu'un diplomate : c'est un survivant. Il est hanté par la disparition de son amante, la courtisane Murasaki, emportée par les flots alors qu'elle l'attendait dans une maison de thé. Cette blessure originelle ancre le récit politique dans une mélancolie profonde.
Le pari du "Vingtième Volume"
Pour saisir l'audace du roman, il faut savoir que le véritable Hasekura avait rapporté de son périple dix-neuf volumes de rapports officiels. Or, ces archives inestimables ont mystérieusement disparu au début du XXe siècle, laissant un vide historique immense. Lionel Crooson s'engouffre dans cette énigme en imaginant l'existence d'un « vingtième volume » inédit.
Ce journal intime fictif, que le samouraï aurait rédigé en cachette durant ses deux longues années d'attente à Manille (Luzón) avant son retour, n'est pas destiné à son seigneur. Libéré du carcan protocolaire et de l'autocensure diplomatique, Hasekura y livre sa vérité nue. C'est ce dispositif littéraire qui permet à l'auteur de transformer une silhouette historique rigide en un personnage de chair et de sang.
Loin du guerrier monolithique, Hasekura apparaît ici comme un homme en sursis, fils d'un père condamné au seppuku pour corruption, cherchant une rédemption pour son clan. C'est un samouraï qui doute, qui observe, et qui se trouve jeté dans un monde dont il ignore les codes, accompagné d'une galerie de personnages hauts en couleur, comme le moine intrigant Luis Sotelo ou le garde du corps ninja déguisé en marchand, Tahei.
Le choc des cultures : l'inversion du regard
Mais l'intérêt majeur du livre réside sans doute dans l'inversion du regard colonial. Prenant le contrepied parfait des fictions où un occidental s'éveille aux coutumes nippones, le roman retourne la longue-vue. Ici, ce n'est pas l'Occidental qui découvre le Japon, mais le Samouraï qui découvre l'Occident et les « Nanban » (les Barbares du Sud).
Le regard de Hasekura sur l'Europe est à la fois curieux et horrifié. À travers ses yeux, nous redécouvrons la saleté corporelle des Européens, l'étrangeté des mœurs où l'on mange avec les mains et où les conversations ressemblent à des querelles. Il décrit avec une ironie mordante la puanteur des marins espagnols, attribuée par les Japonais à leur refus de se laver, contrastant avec l'obsession de la propreté nippone.
De la Nouvelle-Espagne (Mexique) à Madrid, puis Rome, Hasekura note tout : la violence des colons, l'hypocrisie des prêtres, mais aussi la beauté de l'art chrétien qui le touche malgré lui. Sa conversion à Madrid, sous le nom de Felipe Francisco Faxecura, oscille constamment entre stratégie politique et véritable ébranlement spirituel.
Un roman de la solitude
Au-delà de l'aventure maritime et politique, c'est le récit d'un échec magnifique. Hasekura est un homme qui s'éloigne : de sa terre, de ses dieux, et de son époque. Lorsqu'il rentre enfin, sept ans plus tard, le Japon a changé. Le christianisme est devenu crime capital, le pays se ferme. L'ambassadeur est devenu un étranger chez lui.
Hasekura meurt de maladie le 7 août 1622, à l'âge de 52 ans, deux ans à peine après son retour. L'emplacement exact de sa tombe reste un mystère, trois sépultures portant son nom1.
Si la densité des informations historiques, puisées à de solides sources espagnoles et italiennes, ralentit parfois le rythme de la narration, ce livre réussit son pari : donner chair à un fantôme. Une lecture recommandée pour ceux qui souhaitent comprendre ce moment charnière où le Japon et l'Occident se sont frôlés, avant de se tourner le dos pour deux siècles.
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Livre1613 : après la disparition de sa bien-aimée emportée par un tsunami, le samouraï Hasekura Tsunenaga se voit mandaté par un seigneur du Nord-Est du Japon pour aller rencontrer le Pape.
Complots, intrigues politiques, fortunes de mer, au prix de mille dangers, ce chevalier du Soleil Levant brave les océans et les hommes pour être reçu par le roi Philippe III d’Espagne puis enfin par le souverain pontife Paul V.
C’est avec les yeux d’un Japonais de la période d’Edo qu’il découvre ces pays barbares que sont pour lui l’Andalousie de l’Inquisition, la Rome de la Renaissance et même le petit port de Saint-Tropez sous le règne du jeune roi Louis XIII. Un voyage qui lui fera aussi traverser la Nouvelle-Espagne et les Philippines sous le joug castillan.
Cette aventure extraordinaire aurait pu sombrer dans les oubliettes de l’Histoire. Mais grâce à un travail de recherche historique solidement documenté, l’auteur en renoue les fils parfois ténus et nous livre un roman historique trépidant, au cœur des rivalités commerciales entre Espagnols et Portugais, des sourdes concurrences entre ordres missionnaires, et des signes précurseurs des persécutions qui vont s’abattre sur les chrétiens du Japon.
Lionel Crooson, journaliste, écrivain, japonisant et grand voyageur, partage son temps entre Tokyo, l’île de Bornéo, la Grèce et Paris. De ses pérégrinations à travers le monde il a tiré, pour le National Geographic et Les Cahiers de Science & Vie, de nombreux articles sur l’histoire, l’archéologie, l’anthropologie et les civilisations asiatiques. Il est également l’auteur du Drogman de Bornéo, roman publié aux éditions du Pacifique en 2016.
- Éditeur : SYNCHRONIQUE
- Langue : Français
- Nombre de pages de l'édition imprimée : 384 pages
- ISBN-10 : 2382391022
- ISBN-13 : 978-2382391020
- Dimensions : 14.5 x 3.3 x 21.9 cm
Hasekura Tsunenaga vu par Shūsaku Endō
Comparaison fascinante, le grand maître de la littérature japonaise, Shūsaku Endō, s'est emparé exactement du même sujet historique dans L'Extraordinaire voyage du samouraï Hasekura (Éditions Buchet-Chastel). C'est la même histoire, mais vue par un auteur japonais. Là où Lionel Crooson adopte la forme du journal intime imaginaire, Endō livre une méditation poignante sur la manipulation politique d'un homme simple, broyé par les rouages de l'histoire et une foi qu'il ne comprend pas vraiment.

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