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Rune Factory: Guardians of Azuma sur Nintendo Switch 2 — Quand le JRPG devient offrande au folkloare japonais et rituel de purification

Héritier discret de Story of Seasons, le nouvel épisode de Rune Factory fait du JRPG un rituel inspiré du shintô. Sous la surface d’un jeu de ferme se cache une méditation sur la nature, le cycle des saisons et l’âme japonaise.
mercredi 17 décembre 2025
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Là où la plupart des JRPG mesurent la progression en niveaux, Guardians of Azuma préfère parler en saisons, en gestes et en souffle. Sur la nouvelle toile offerte par la Nintendo Switch 2, Rune Factory: Guardians of Azuma se révèle moins comme un simple jeu de gestion agricole que comme une fable animiste vibrante. Une œuvre où le joueur n'est pas un conquérant, mais un médiateur spirituel chargé de panser les plaies d'un Japon fantasmé.

C’est un positionnement audacieux pour une série longtemps perçue comme le versant pastoral de Harvest Moon (née en 2006 comme une dérivée de la saga — aujourd’hui Story of SeasonsRune Factory en partage l’amour du quotidien rural, mais le transpose dans un souffle mythologique. Là où son aînée célébrait la terre comme foyer, Rune Factory l’a rêvée comme sanctuaire, un lieu où l’agriculture devient magie et où labourer revient à dialoguer avec le divin). Ici, l’ADN du jeu se dépouille des marqueurs de puissance et de progression pour renouer avec la lenteur et la contemplation.

Le concept Rune Factory

Guardians of Azuma s’inscrit dans la tradition de la série Rune Factory : un hybride de simulation agricole et d’action-RPG où l’on plante, récolte, replante dans un cycle aussi répétitif que méditatif. Cosy comme un anime slice of life, le farming occupe le cœur du quotidien — arroser ses cultures, élever ses animaux, développer son village au fil des saisons. Mais sous cette routine apaisante se cache l’aventure : donjons, monstres et quêtes spirituelles qui transforment la bêche en outil sacré et le champ en champ de bataille rituel.

Contrairement aux décors médiévaux occidentaux habituels des Rune Factory (et de tout bon isekai), Guardians of Azuma opte pour un Japon fantasmé — rizières et sanctuaires, une rupture rafraîchissante qui ancre l'agriculture  dans une esthétique shintô.

Le satoyama et la terre-mémoire

Il y a dans la culture japonaise une notion intraduisible : le satoyama (里山), cette zone tampon entre le village humain et la montagne sauvage, un espace où la nature est « jardinée » par l’homme dans un respect mutuel. C'est précisément là, à la lisière du sauvage et du sacré, que Guardians of Azuma s'enracine.

La contrée d'Azuma — un nom qui résonne comme une ode à l’Est ancien du Japon — réinvente la géographie familière des JRPG ruraux. La technologie de la Switch 2 ne sert pas la surenchère, mais la subtilité : elle donne corps à l’invisible. Texture du vent, souffle des saisons, mouvement des particules — tout semble animé par une présence.

Au cœur du village, la gestion de la terre est souvent routinière mais chaque coup de bêche ressemble à un geste de purification. Le potager devient un petit sanctuaire à ciel ouvert, où l’on prend soin du sol comme d’un être vivant, en accord avec le rythme tranquille des saisons.

Le kegare et la purification

Dès les premiers pas, le jeu impose une dualité visuelle frappante qui renvoie au concept shintô du kegare (穢れ) — la souillure, l’impureté spirituelle. La terre d'Azuma est malade, rongée par un fléau. Ce n’est pas tant « sale » que figé : le ki (気), énergie vitale, ne circule plus.

Labourer, ici, c'est pratiquer le harae (祓い) — la purification rituelle. Chaque parcelle restaurée, rendue vibrante par les effets lumineux de la console, devient un acte sacré. Le joueur ne cultive pas : il apaise. Là où d’autres jeux exploitent la nature, Guardians of Azuma la réconcilie. Ce geste simple du binage devient un pont entre mécanique de jeu et cosmologie japonaise, rappelant que dans la pensée shintô, l’entretien du monde relève d’un devoir spirituel.

Lainy, la petite boule de laine kawaii qui accompagne notre héros, incarne la pureté cosmique liée au dieu-dragon suprême d'Azuma. Sans lui, pas de réveil des kami ni de progression spirituelle — c'est l’un des fils narratifs essentiels du jeu.

La danse comme langage sacré

L’audace narrative de Guardians of Azuma réside dans son protagoniste : un « danseur de la terre ». Ici, le martial s’efface devant le chorégraphique. Les combats, tout en fluidité, évoquent le Kagura (神楽), danse sacrée shintô exécutée pour divertir ou apaiser les kami (神).

Cette approche rompt avec la logique d’impact chère aux action-RPG modernes : l’arme devient éventail, et le champ de bataille, une scène de théâtre Nô. Les affrontements ne sont plus des luttes, mais des échanges symboliques. On ne détruit pas le mal : on le réintègre à l’harmonie du monde. Grâce à la puissance technique de la Switch 2, cette philosophie devient tangible : le corps du joueur épouse la grâce du mouvement.

divinités locales. Leur silence initial plonge le joueur dans le mā (間), cet espace négatif, ce vide signifiant cher à la culture japonaise. Reconstruire les villages, placer des sanctuaires, c’est composer un terrain propice à leur retour.

Dans l’arène d’Azuma, chaque coup ressemble moins à une attaque qu’à un pas de danse. Le Danseur Tellurique trace des arcs de lumière dans l’air, comme un Kagura en plein sanctuaire, réconciliant l’homme, les monstres et la terre plutôt que de simplement chercher à vaincre.

On retrouve ici une lecture profondément asiatique de l’écologie : la nature n’est pas un décor, mais une société d’êtres à reconquérir. Chaque offrande, chaque interaction, retisse le musubi (結び), le lien entre le visible et l’invisible. Guardians of Azuma fait du JRPG un acte de géomancie — une architecture spirituelle plus qu’un simple terrain d’aventure.

La mélancolie des saisons

Le cycle des saisons, métronome de l’âme japonaise, se déploie ici avec une grâce feutrée, presque méditative. L’impermanence des choses (mono no aware, 物の哀れ), cette mélancolie douce devant le passage du temps, se traduit par les nuances de lumière, la texture des pluies et la lenteur assumée du rythme des jours.

Le calendrier ne contraint pas ; il apaise. Chaque matsuri devient un rappel : dans Azuma, le temps n’est pas un ennemi à dompter mais un partenaire avec qui dialoguer. À l’heure où beaucoup de jeux valorisent la maîtrise et l’efficacité, Rune Factory: Guardians of Azuma nous invite à la gratitude et à la lenteur, à vivre en rythme avec les cerisiers et les neiges.

Le mariage n'est pas qu'un simple épilogue romantique dans Guardians of Azuma, mais un rituel essentiel : un musubi (結び) vivant qui tisse le protagoniste, son compagnon et la terre blessée dans une harmonie cosmique. Là où d'autres JRPG voient l'amour comme récompense, ce jeu en fait un acte de purification collective, renforçant le ki du monde entier.

Une archive douce d’un Japon rêvé

Guardians of Azuma s’assume comme un isekai de confort. Le titre ne cherche pas à révolutionner le genre ni à prétendre au rang de chef-d'œuvre technique, préférant parler à celles et ceux qui aiment se perdre dans les villages de JRPG plutôt que dans une course à l'adrénaline.

En filigrane, le jeu dessine un Furusato (故郷) de pixels : un Japon rural idéalisé, entre toits de chaume, torii et festivals saisonniers. C'est une carte postale interactive, un refuge où l’on répare la terre autant que soi-même. C’est une parenthèse dépaysante où l'on vient chercher la chaleur des matsuri et le calme des onsens.

Au cœur du village, chaumières traditionnelles et portail sacré (tori, 鳥居) composent un Japon vibrant d'une spiritualité animiste. Ici, chaque toit courbé semble attendre le retour des kami, tandis que les rituels transforment le quotidien en offrande cosmique.

Pour les amateurs de folklore et d'ambiances animistes, c'est une invitation qui ne se refuse pas, à condition d'accepter le voyage pour ce qu'il est : une jolie fable rurale, simple et apaisante, où il fait bon revenir, saison après saison.

NOTE : Si nous avons labouré la terre d’Azuma sur l’édition Nintendo Switch 2, cette fable spirituelle s’ouvre à tous les horizons : elle est aussi disponible sur la première Nintendo Switch, sur PlayStation 5, Xbox Series X|S et PC — d’autres chemins pour entrer dans le même sanctuaire.

    • Armes et compétences inédites - Découvrez le pouvoir de la danse des danseurs telluriques, des trésors sacrés et de nouvelles armes telles que l’arc et le talisman pour purifier la terre et vos fermes, afin de réparer les dégâts de la Souillure .
    • Un village tout entier - Voyez plus loin que votre ferme... reconstruisez des villages entiers ! Placez des bâtiments et poussez les habitants à revenir et à travailler. Invoquez les dieux, qui apporteront vitalité et ressources aux terres ravagées.
    • Une vie japonaise fantasmée - Découvrez de magnifiques personnages et décors japonais... festivals, événements et monstres vous attendent. Explorez les paysages naturels traditionnels d’Azuma au fil des saisons.
    • Amour et relations - Choisissez un ou une protagoniste, tissez des relations amicales ou amoureuses avec les personnages proposés entièrement doublés. Recrutez alors ces nouvelles connaissances au combat !
    • Le jeu est intégralement sous-titré en français avec voix au choix en japonais ou en anglais. 
    Prix constaté au moment de la publication
    49.99

  • AFFILIATION
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  • publié le mercredi 17 décembre 2025, 20:00 (JST)
    Dernière modification le mercredi 17 décembre 2025, 7:44 (JST)
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