
Comment faire craquer un japonais ?
…ou la réponse de la bergère au berger.
Je vous renvoie vers l'article du Thon libre sur les couples franco-japonais les plus courants, à savoir une japonaise/un étranger. Eh bien, au vu des commentaires le réclamant, je vais vous ouvrir les portes du couple franco-japonais un japonais/une étrangère. Je ne vais pas vous donner de méthode miracle, mais juste vous annoncer les quelques réalités auxquelles s’attendre, et elles ne sont pas glorieuses.
Premièrement, c’est très rare, je ne connais personnellement qu’une autre demoiselle dans mon cas et toutes les étrangères que je croise sont souvent avec leur compagnon étranger ou en groupe avec leurs amies.
Les raisons ? Il y en a une très simple : les japonais sont d’infâmes machos. Les occidentales ont donc du mal, après avoir brûlé leur soutien-gorge, avec ce genre de conception du couple.
Seconde raison : les japonais sont des gosses. Je veux dire par la, hommes, femmes, peu importe l’âge, la définition de l’adulte à l’occidentale n’existe pas. Comme le dit le fameux artiste plasticien Murakami Takeshi 村上 隆 :
« On nous a dit que le vrai sens de la vie est l’absence de sens et on nous a appris à vivre sans penser. Notre système ne produit pas d’adultes et nous, nous sommes les enfants les plus mignons du monde. »*
Je pense que tout est dit. Je me souviens avoir lu cette citation à mon ami qui a acquiescé, mais sans sembler trouver cet état de fait choquant.
Dernier point, l’occidentale tend à faire peur par son indépendance, ce qui nous ramène a peu prés à la même chose : on ne remet pas en question l’autorité du mâle.
Bien. Étant en couple avec un japonais, je vais développer un peu ce qu’il en est. Précisons toutefois que celui-ci a vécu quelque peu à l’étranger et qu’il est de ce fait un peu moins représentatif du japonais moyen.
Je vais passer sur la rencontre, c’est pareil qu’en France ou ailleurs, sachez que le plus simple pour ne pas faire détaler un japonais comme un lapin, c’est de faire comme le Petit Prince : on l’apprivoise doucement… et on le fait boire ! Oui, oui. Le renard qui picole, c'est dans un spin-off.
Alors, pourquoi une étrangère peut attirer ? Le physique aussi, de manière évidente : peau blanche, grands yeux colorés, grandes, élégantes et adultes. En revanche, concernant le caractère, c'est quitte ou double. Les françaises sont un peu brutes de décoffrage, si on doit comparer a la japonaise moyenne.
Niveau caractère, les japonais ont tout de même des traits communs. Allons-y gaîment !
Vincent disait que les japonais sont « froids, distants, et n’extériorisent pas leurs sentiments », c’est vrai, bien que j’ai manifestement de la chance si je compare avec d’autres couples similaires. Les Japonais qui s’aiment ne disent pas « Je t’aime », ou se contentent d’un « suki » 好き. En public, point d’embrassades, de french kiss, on se tient par la main et puis c’est tout ! La aussi, l’alcool aide à décoincer Monsieur.
Vous allez finir par croire que je vous pousse à la consommation d’alcool, mais pas du tout. Il le fera surement très bien sans vous, préservant ainsi votre foie, votre ligne et vous garantissant de sacrés fous rires.
Second point, le respect des femmes et l’équité, concept dont la bouture n’a manifestement pas pris. Je ne peux rien dire sur le respect, mais concernant l’équité, il est vrai que ces messieurs se laissent souvent servir (ils réclament, même !). L’éducation joue beaucoup, et tout doit tourner autour de Monsieur… Pour éviter les incidents diplomatiques, quelques conseils : si vous avez l’habitude de faire plusieurs choses en même temps, veillez à lui donner toute votre attention quand vous discutez : exit la manucure, le verre de bière ou le tricot. Remerciez souvent, surtout quand il demande si vous allez bien à tout bout de champs : c’est une preuve d’amour. L’humilité permanente est à pratiquer.
Autre point, celui-ci étonnant pour une femme habituée à l’indépendance, c’est que l’homme japonais DOIT se sentir indispensable. Il doit soutenir le couple, et par extension, sa famille. Moi qui portais mes valises de 20kg d’une main, il a fallu que j’accepte qu’il essaie (et le pauvre a abdiqué rapidement). Moi qui gérais tout seule, j’ai du apprendre à faire confiance et à écouter les conseils de Monsieur. Il y a une heure à peine, il m’appelait pour me donner des recommandations au sujet des trajets demain, puisque je passe un entretien d’embauche et qu’il neige à faire peur à un Russe (combo typhon et neige).
C’est d’ailleurs cette obligation, cette responsabilité qui pousse la plupart des Japonais à travailler comme des forcenés, du moins en premier lieu**. J’ai souvent entendu parler de couples divorçant parce que madame, étrangère, ne supportait plus l’absence de son mari qui travaillait trop. Avis d’un japonais : « Mais c’est qu’il l’aime ! Elle n’aurait pas dû partir ! ».
Il faut dire que nombreux sont les Japonais qui ne diront jamais je t’aime à leur femme et qui leur auront demandé leur main d’un sarcastique « Veux-tu me préparer de la soupe miso pour le reste de ma vie ? ».
Oui, encore hélas, c’est une réalité. La encore, je m’en tire très bien (Soyons clairs : je n’ai pas eu de demande en mariage) mais je sais que mon cas reste exceptionnel. Le 愛してるよ juste avant de dormir, j'y ai droit. ET OUAIS.
Bien, passons a des choses plus positives. Rien n’est impossible, mais il faut de la patience et parvenir à faire comprendre à Monsieur qu’apprendre une autre culture ne se fait pas comme ça. Si vous y parvenez, bravo, la moitie du chemin est faite !
Oui, je parle d’apprendre une autre culture, parce que ce comportement est aussi à pratiquer au quotidien, j’entends par là que l’humilité et savoir prendre sur soi sont des qualités essentielles.
Comme je le disais, il endosse la responsabilité de votre bien-être et cela va se manifester par tout un tas d’attentions : trouver le meilleur restaurant, vous donner ses gants/son bonnet en cas de froid, trouver le meilleur médecin ou vous recommander de prendre votre médicament (parce que j'y fais jamais gaffe et je m'en tamponne, en plus), trouver des boutiques qui vendent votre vin préféré… (C’est du vécu).
Pour peu qu’il se soucie de votre intégration dans la société japonaise, il vous enseignera la culture japonaise et la langue (attention aux langages féminins/masculins !).
Et rien que pour ça, c’est du bonheur. Évidemment, tous ne sont pas comme ça, mais c’est partout pareil dans le monde : il y a des perles et des mérous.
Je laisse le mot de la fin à ce cher professeur japonais que j’ai eu l’honneur de rencontrer :
« Vous ne voudriez pas travailler sur l’histoire des femmes au Japon ?
- Si, bien sur, c’est très intéressant. Je sais ce qu’il en est de leur statut aujourd’hui, mais avant le XIXe siècle, je ne sais pas. Est-ce que leur condition a vraiment changé ?
- Pas vraiment, non. »
* Cette citation est issue de la BD interactive en ligne « Anne Frank au pays des mangas », que je vous recommande vivement.
** Voir a ce sujet l’excellent livre Homo Japonicus de Muriel Jolivet.